Glossaire de la TACD
Ce glossaire, issu de l’ouvrage Didactique pour Enseigner, est régulièrement mis à jour. Il ne constitue en aucun cas une base dogmatique. Sa fonction est pragmatique. Le lecteur pourra lire les courts essais de définition qui suivent comme une aide à la compréhension et l’élaboration de la TACD. Ce glossaire en constitue donc un point de départ, aucunement un point d’arrivée. Il est aussi un point de départ possible pour l’exemplification des notions-modèles concernées.
Notion proposée par Yves Chevallard et conceptualisée en TACD dans le triplet des genèses. Dans la manière dont le professeur et les élèves réalisent les transactions autour d’un savoir, ce qu’on regarde, c’est comment le savoir est disposé sur l’axe du temps. On pourrait caractériser la chronogénèse (genèse du temps du savoir) en posant la question : quand et comment les objets de savoir sont-ils position- nés dans le temps d’un enseignement ? Cette catégorie incite à identifier la nature et les raisons du passage d’un contenu épistémique à un autre. La chronogénèse – ou création du temps didactique – contraint d’abord l’action professorale, parce qu’elle est de sa seule responsabilité. C’est le professeur qui sait avant, du point de vue du savoir, ce qui va se passer après. Bien entendu, des interventions d’élèves peuvent (et doivent !) faire avancer le temps didactique, autrement dit faire avancer le savoir dans la classe. Dans ce cas, de telles interventions seront dites chronogènes.
> Voir aussi Triplet des genèsesOn peut voir l’appropriation d’une connaissance dans un mouvement qui va du concret vers l’abstrait, d’une première catégorisation à la désignation symbolique. Cette désignation (par exemple « château fort », ou «multiplication », ou « topogénèse ») est alors considérée comme un moyen d’appréhender une idée. Mais cette idée (de château fort, de multiplication, de topogénèse) peut signifier différentes choses pour tout un chacun, suivant la réalité pratique à laquelle il se réfère. Pour donner plus de sens à une désignation abstraite (qu’on peut nommer « formule abstraite ») et pour que ce sens soit partagé au sein d’un collectif, d’une institution, la TACD soutient qu’il est pertinent de concrétiser une formule abstraite, de la ramener à une forme de vie et un jeu de langage dans une situation précise, souvent en l’exemplifiant. Une telle « ascension de l’abstrait au concret » peut constituer alors une modalité de transmission des savoirs au sein de ce collectif, de cette institution. Plus généralement, l’idée d’ascension de l’abstrait au concret, chez Karl Marx et certains de ses continuateurs, renvoie à une épistémologie, une théorie de la connaissance dans laquelle tout énoncé abstrait gagne à être ramené au concret de la pratique. La TACD s’inscrit dans une telle épistémologie.
En TACD, le connaisseur pratique est celui qui a longuement travaillé une pratique de la culture, et qui est donc capable de l’accomplir avec art, qu’il soit jardinier, musicien, mathématicien, ébéniste, danseur, plombier, etc. Le connaisseur pratique se rend ainsi de plus en plus savant de cette pratique. Cette notion généralise ainsi celle d’art de faire, proposée par Michel de Certeau.
Notion créée par Guy Brousseau et reprise en TACD.
Lorsqu’il aborde un problème, l’élève le fait sur la base d’un système de capacités épistémiques incorporées, d’habitudes d’actions, dont une partie essentielle résulte de l’action conjointe antérieure du professeur et des élèves. Ce système de capacités, c’est le contrat didactique. Le contrat didactique constitue donc un déjà-là, et l’arrière-plan de la situation d’apprentissage pour l’élève, sa référence.
Les capacités du contrat sont largement implicites et l’élève n’en est pas toujours conscient. Contrairement à une idée largement répandue, on ne peut donc pas « expliciter » le contrat didactique, le « négocier » ou le « mettre en place » car il est présent de fait, toujours déjà-là, sous une forme spécifique à l’expérience de l’élève, et, plus généralement, des êtres humains.
Comme il résulte de l’action conjointe antérieure au sein de l’institution didactique, le contrat peut être vu également comme un système d’attentes et d’attributions d’attentes qui relie le professeur et les élèves, et sur lequel les transactants s’appuient pour interpréter les actions d’autrui. Il peut être aussi conçu comme un système de règles du jeu. On peut également le considérer comme un système de normes. Enfin, le contrat didactique peut s’appréhender comme un système d’habitudes.
Une caractéristique fondamentale du contrat didactique, qui tient de l’institution didactique elle-même, est qu’il doit évoluer – quelquefois même être rompu – au cours du temps. Le contrat didactique est donc un système d’habitudes conjointes dont certaines changent rapidement, alors que d’autres peuvent perdurer quelquefois longuement.
> Voir aussi Dialectique contrat-milieu
Confronté à une action particulière, on peut en imaginer d’autres déroulements. On détermine ainsi d’autres possibles pour une action réalisée. Le raisonnement tenu est du type « que se passerait-il si ? » « si ceci…, alors cela… ». En TACD, nous nommons ces autres possibles « contrefactuels ».
De tels contrefactuels peuvent être obtenus à l’aide de notions-modèles qu’on utilise ainsi de manière productive. Par exemple, on imagine un autre milieu didactique par rapport à un contrat didactique donné. On imagine une autre partition topogénétique que celle effectivement advenue en situation, etc.
On peut aussi obtenir de tels contrefactuels directement par l’imagination pratique, à partir de la connaissance qu’on a de l’activité. La première fonction des contrefactuels consiste à mieux comprendre la pratique, en explorant son concret. On saisit ainsi, pour reprendre une expression de Yves Clot, que le réel de l’activité ne se limite pas à l’accomplissement de l’activité réalisée. Celle-ci ne représente qu’un possible dans un univers plus vaste.
La deuxième fonction des contrefactuels vise à proposer des transformations de la pratique. Il s’agit alors d’éprouver directement dans l’activité un contrefactuel donné. On peut aussi tirer parti de l’analyse contrefactuelle pour élucider des relations signifiantes dans la logique pratique, dont on va tirer des conséquences pour l’action.
Le rôle de l’éducation, au sens le plus large du terme, consiste alors à faire entrer dans la culture. Il s’agit de permettre la construction d’un rapport aux formes de la culture qui assure de leur compréhension profonde. Cela signifie s’approprier les styles de pensées qu’elles font vivre, les formes de vie et les jeux de langage qu’elles permettent, les jargons et les modèles d'actions auxquels ces jargons sont entrelacés. Cela signifie tout autant devenir capable d’accomplissement créatif à partir de cette compréhension profonde.
4 commentaires
Fabrice Louis
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Il y a une coquille dans le glossaire:2 fois chronogenèse au lieu de mésogenèse.
Fabrice
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