Glossaire de la TACD
Ce glossaire, issu de l’ouvrage Didactique pour Enseigner, est régulièrement mis à jour. Il ne constitue en aucun cas une base dogmatique. Sa fonction est pragmatique. Le lecteur pourra lire les courts essais de définition qui suivent comme une aide à la compréhension et l’élaboration de la TACD. Ce glossaire en constitue donc un point de départ, aucunement un point d’arrivée. Il est aussi un point de départ possible pour l’exemplification des notions-modèles concernées.
Un jargon est en TACD un système linguistique que l’on peut considérer comme réseau fait de termes, d’expressions, de questions-réponses au sein d’un dialogue spécifique, etc. Un jargon est un jeu de langage situé dans la pratique, dans l’usage, qui lui donne son sens. Ce complexe de pratiques, qui détermine donc le sens des énoncés dans un jargon, constitue un modèle de/dans la culture.
La notion de jeu d’apprentissage permet une modélisation de l’action didactique conjointe élève-professeur. Le terme jeu*, ici, ne doit pas abuser. Comme dans chaque utilisation du mot « jeu » en TACD, il ne s’agit donc ni d’une incitation au ludique, ni d’un modèle au sens d’un modèle à copier. Il s’agit d’un modèle au sens scientifique du terme, c’est-à-dire d’une description pour comprendre ce qui se passe.
La notion de jeu nous permet également de décrire le caractère conjoint de l’action didactique en modélisant l’action de l’élève et l’action du professeur comme participant d’un même jeu. Nous nommons cette modélisation « jeu d’apprentissage » pour rendre compte de l’apprentissage comme enjeu premier de l’action didactique. Ainsi, le déroulement d’une « activité didactique » (formelle ou informelle) peut se modéliser comme une succession de jeux d’apprentissage. En effet, au fur et à mesure de l’avancée d’une séance, il est possible d’observer que l’enjeu d’apprentissage évolue ou que ce qui est demandé à l’élève change. Méthodologiquement, c’est une analyse didactique instrumentée du film d’une « activité didactique », puis l’élaboration d’un système hybride texte-image-son (SHTIS) qui va permettre de la décrire comme une succession de jeux d’apprentissage.
En TACD, nous envisageons l’éducation comme la manière dont la participation à des jeux d’apprentissage permet ou non la production de capacités épistémiques en lien avec des jeux épistémiques. Nous travaillons cette question sous l’angle de la parenté épistémique.
> Voir aussi Jeu, modèle du jeu
Le jeu d’imitation modélise une très grande partie des transactions didactiques dans la culture, dans les mondes des arts pratiques, de la science, de l’art, etc. Il peut aider à comprendre le système des actions conjointes professeur-élèves lorsque celles-ci se nourrissent les unes des autres dans le savoir. Il est courant de penser que :
– 1. la monstration d’une pratique est prioritairement portée par le professeur ;
– 2. les élèves observent et imitent passivement ce qu’ils voient.
Nous envisageons a contrario la monstration dans un système dynamique d’emprunts et d’effets réciproques professeur-élèves. Le professeur n’est pas seul à présenter un modèle, les élèves également fournissent des modèles au professeur. Ils peuvent être une source d’inspiration pour le professeur, dont l’activité prend alors sa source dans l’élève-origine. Ce système forme une trajectoire spiralaire en vue de résoudre le problème posé par la pratique. Imiter, que l’on soit élève ou professeur, c’est être capable de reconnaître chez/ dans l’autre, et dans les formes-représentations qu’il produit, une unité épistémique essentielle (un agir essentiel), autrement dit les prémisses ou l’accomplissement d’une activité savante.
Le jeu d’imitation est le construit théorique avec lequel la TACD explore et spécifie l’expression de Peter Sloterdijk, qui voit la culture comme « l’imitation de l’inimitable ». Dans cette imitation de l’inimitable, l’imitation est fondée sur des formes-représentations (cf. sémioses, représentations) dont celui/celle qui les imite doit comprendre le sens afin que son imitation dépasse la seule réplication, pour atteindre une imitation créatrice.
> Voir aussi Jeu, modèle du jeu
La TACD reprend la notion, développée par Ludwig Wittgenstein, de jeu de langage-forme de vie pour souligner que tout énoncé, tout élément linguistique, pour être compris, doit être référé au système linguistique dans lequel il fonctionne, qu’on peut considérer comme une sorte de jargon fait de termes, d’expressions, de questions-réponses au sein d’un dialogue spécifique, etc. Ce jargon est un jeu de langage. Ce jeu de langage doit être lui-même situé dans la pratique, dans l’usage, qui lui donne son sens. Cette pratique qui détermine le sens des énoncés, c’est la forme de vie.
> Voir aussi institution
La notion de jeu didactique spécifie le modèle générique du jeu anthropologique (cf. Jeu, modèle du jeu) à l’activité didactique. Le jeu didactique montre des particularités essentielles. Par exemple, il s’agit d’un jeu coopératif, qui suppose que professeur et élève agissent d’une certaine manière dans le même sens, pour l’apprentissage de l’élève. Le modèle du jeu permet ainsi de saisir une forme d’étrangeté, certaines fois inquiétante, de la pratique didactique. Celle-ci peut être vue en effet comme un jeu auquel le professeur « gagne » si et seulement si l’élève gagne. Le gain au jeu du professeur est lié crucialement à celui de l’élève.
Les lignes qui précèdent permettent de comprendre un aspect essentiel du modèle du jeu didactique, tel qu’il est utilisé en TACD. Il ne reprend pas à son compte le modèle de l’acteur rationnel tel qu’il a été utilisé, notamment en économie, selon la théorie des jeux. Les activités humaines peuvent se décrire comme des jeux, dans une logique qui est celle de la pratique. L’usage du modèle du jeu, en TACD, tente donc de suivre la mise en garde que Bourdieu avait empruntée à Marx : ne pas confondre « les choses de la logique » (celle du monde académique) et la logique des choses (celle des accomplissements pratiques).
En français, l’adjectif épistémique désigne ce qui est relatif au savoir*. Un jeu épistémique décrit donc un jeu avec des savoirs. Comme pour les notions-modèles de jeu d’apprentissage ou de jeu d’imitation, il ne s’agit pas d’un jeu au sens courant mais d’un modèle.
En TACD, les savoirs sont envisagés comme des productions dans la vie des êtres humains pour répondre aux problèmes qu’ils rencontrent. Cette perspective engage à considérer le sens d’un savoir donné au-delà de ses définitions livresques. À la suite du second Wittgenstein, nous considérons que le sens d’un savoir réside dans les usages où il est mis en œuvre. Nous modélisons ces usages comme des jeux épistémiques. Pour ce faire, nous utilisons le vocabulaire du jeu : enjeu, règles, stratégies, investissement dans le jeu, etc. Un jeu épistémique sert ainsi à décrire une pratique culturelle avec un savoir, dans ses éléments sensibles, éthiques, épistémiques, la plupart du temps entrelacés. Dans cette approche, nous envisageons l’éducation comme la manière dont la participation à des jeux d’apprentissage permet de construire des capacités épistémiques proches de jeux épistémiques. Nous travaillons cette question sous l’angle de la parenté épistémique. Un jeu épistémique est donc la modélisation d’une pratique savante, c’est-à-dire celle d’un connaisseur pratique, qui pratique un art de faire. La TACD soutient à la fois qu’une telle modélisation peut et doit se faire sans référence à une pratique didactique, et que toute étude d’une pratique didactique doit pouvoir intégrer la référence à cette modélisation de la pratique du connaisseur pratique comme jeu épistémique.
> Voir aussi Jeu, modèle du jeu
La TACD met au principe et au cœur de son système analytique le modèle du jeu. Comme certains auteurs majeurs dans la philosophie et dans les sciences de la culture (Wittgenstein, Hintikka, Elias, Goffman, Bourdieu, Bazin, et d’autres), elle considère la notion de jeu et la sémantique qu’elle promeut comme « la moins mauvaise pour décrire le monde social », ainsi que l’affirmait Pierre Bourdieu.
La notion-modèle de jeu est donc utilisée pour modéliser l’action, dans la même idée que la question « à quoi joues-tu ? » est adressée à quelqu’un dont on ne comprend pas le comportement. Utiliser le jeu pour modéliser l’action permet d’utiliser sa sémantique, c’est-à-dire le vocabulaire associé : enjeu, règle, stratégie, hors-jeu, investissement dans le jeu, se prendre ou non au jeu, etc.
En TACD, la notion de règle se spécifie de la manière suivante.
- Les règles définitoires explicitent comment jouer au jeu (elles s’apparentent aux « règles du jeu » d’un sport ou d’un jeu de société).
- Les règles stratégiques explicitent comment bien jouer au jeu (elles peuvent par exemple être transmises par un connaisseur pratique du jeu à un moins connaisseur). Elles ne doivent pas être confondues avec les stratégies effectives du joueur, qui constituent, pour ce joueur, la manière concrète d’agir dans le jeu en révélant (plus ou moins) un certain sens du jeu.
Comme le montrent ses usages divers par les auteurs cités ci-dessus, la modélisation en termes de jeu est générique. Avant même de jeu didactique, on peut donc parler de jeu social, ou de jeu anthropologique, en nommant ainsi les descriptions de l’activité humaine vue sous le modèle du jeu, qui donnent à voir et à comprendre la grammaire de cette activité, sa logique pratique.
4 commentaires
Fabrice Louis
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Il y a une coquille dans le glossaire:2 fois chronogenèse au lieu de mésogenèse.
Fabrice
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