Glossaire de la TACD
Ce glossaire, issu de l’ouvrage Didactique pour Enseigner, est régulièrement mis à jour. Il ne constitue en aucun cas une base dogmatique. Sa fonction est pragmatique. Le lecteur pourra lire les courts essais de définition qui suivent comme une aide à la compréhension et l’élaboration de la TACD. Ce glossaire en constitue donc un point de départ, aucunement un point d’arrivée. Il est aussi un point de départ possible pour l’exemplification des notions-modèles concernées.
Une action est dite conjointe lorsqu’elle implique deux participants (ou plus) qui agissent dans un but commun. Ces participants peuvent occuper des positions relativement semblables (comme deux personnes utilisant ensemble une scie de bûcheron) ou des positions différentes (comme deux danseurs dans un pas de deux). Dans les pratiques étudiées en TACD, la question du but commun est complexe. Dans les situations didactiques, il y a bien un but, porté par le professeur, mais pas spécifiquement partagé par l’élève, du fait justement de son ignorance du savoir qu’on veut lui transmettre. À un niveau plus général, cependant, professeurs et élèves ont un but commun : l’apprentissage par l’élève d’un savoir. Ce but donne une forme à l’action conjointe. Professeur et élève occupent des positions différentes : le professeur est déjà connaisseur de ce savoir et l’élève ne l’est pas. Afin de rendre compte du caractère conjoint de leur action, nous dirons que professeur et élève réalisent des transactions par rapport à ce savoir en jeu. L’adjectif « conjoint » ne doit pas faire croire qu’une action conjointe est nécessairement heureuse. D’une part, dans la classe, l’action conjointe élève-professeur peut être considérée comme « réussie » ou « échouée ». D’autre part, même quand l’action conjointe est réussie, au sens où elle repose sur une forme de coopération, elle peut se produire sans que l’élève n’ait appris. Plus généralement, l’action conjointe pourra caractériser l’action des chercheurs et des professionnels avec lesquels ils travaillent, en particulier dans une ingénierie coopérative.
Notion proposée par Yves Chevallard et conceptualisée en TACD dans le triplet des genèses. Dans la manière dont le professeur et les élèves réalisent les transactions autour d’un savoir, ce qu’on regarde, c’est comment le savoir est disposé sur l’axe du temps. On pourrait caractériser la chronogénèse (genèse du temps du savoir) en posant la question : quand et comment les objets de savoir sont-ils position- nés dans le temps d’un enseignement ? Cette catégorie incite à identifier la nature et les raisons du passage d’un contenu épistémique à un autre. La chronogénèse – ou création du temps didactique – contraint d’abord l’action professorale, parce qu’elle est de sa seule responsabilité. C’est le professeur qui sait avant, du point de vue du savoir, ce qui va se passer après. Bien entendu, des interventions d’élèves peuvent (et doivent !) faire avancer le temps didactique, autrement dit faire avancer le savoir dans la classe. Dans ce cas, de telles interventions seront dites chronogènes.
> Voir aussi Triplet des genèsesOn peut voir l’appropriation d’une connaissance dans un mouvement qui va du concret vers l’abstrait, d’une première catégorisation à la désignation symbolique. Cette désignation (par exemple « château fort », ou «multiplication », ou « topogénèse ») est alors considérée comme un moyen d’appréhender une idée. Mais cette idée (de château fort, de multiplication, de topogénèse) peut signifier différentes choses pour tout un chacun, suivant la réalité pratique à laquelle il se réfère. Pour donner plus de sens à une désignation abstraite (qu’on peut nommer « formule abstraite ») et pour que ce sens soit partagé au sein d’un collectif, d’une institution, la TACD soutient qu’il est pertinent de concrétiser une formule abstraite, de la ramener à une forme de vie et un jeu de langage dans une situation précise, souvent en l’exemplifiant. Une telle « ascension de l’abstrait au concret » peut constituer alors une modalité de transmission des savoirs au sein de ce collectif, de cette institution. Plus généralement, l’idée d’ascension de l’abstrait au concret, chez Karl Marx et certains de ses continuateurs, renvoie à une épistémologie, une théorie de la connaissance dans laquelle tout énoncé abstrait gagne à être ramené au concret de la pratique. La TACD s’inscrit dans une telle épistémologie.
En TACD, le connaisseur pratique est celui qui a longuement travaillé une pratique de la culture, et qui est donc capable de l’accomplir avec art, qu’il soit jardinier, musicien, mathématicien, ébéniste, danseur, plombier, etc. Le connaisseur pratique se rend ainsi de plus en plus savant de cette pratique. Cette notion généralise ainsi celle d’art de faire, proposée par Michel de Certeau.
Notion créée par Guy Brousseau et reprise en TACD.
Lorsqu’il aborde un problème, l’élève le fait sur la base d’un système de capacités épistémiques incorporées, d’habitudes d’actions, dont une partie essentielle résulte de l’action conjointe antérieure du professeur et des élèves. Ce système de capacités, c’est le contrat didactique. Le contrat didactique constitue donc un déjà-là, et l’arrière-plan de la situation d’apprentissage pour l’élève, sa référence.
Les capacités du contrat sont largement implicites et l’élève n’en est pas toujours conscient. Contrairement à une idée largement répandue, on ne peut donc pas « expliciter » le contrat didactique, le « négocier » ou le « mettre en place » car il est présent de fait, toujours déjà-là, sous une forme spécifique à l’expérience de l’élève, et, plus généralement, des êtres humains.
Comme il résulte de l’action conjointe antérieure au sein de l’institution didactique, le contrat peut être vu également comme un système d’attentes et d’attributions d’attentes qui relie le professeur et les élèves, et sur lequel les transactants s’appuient pour interpréter les actions d’autrui. Il peut être aussi conçu comme un système de règles du jeu. On peut également le considérer comme un système de normes. Enfin, le contrat didactique peut s’appréhender comme un système d’habitudes.
Une caractéristique fondamentale du contrat didactique, qui tient de l’institution didactique elle-même, est qu’il doit évoluer – quelquefois même être rompu – au cours du temps. Le contrat didactique est donc un système d’habitudes conjointes dont certaines changent rapidement, alors que d’autres peuvent perdurer quelquefois longuement.
> Voir aussi Dialectique contrat-milieu
Confronté à une action particulière, on peut en imaginer d’autres déroulements. On détermine ainsi d’autres possibles pour une action réalisée. Le raisonnement tenu est du type « que se passerait-il si ? » « si ceci…, alors cela… ». En TACD, nous nommons ces autres possibles « contrefactuels ».
De tels contrefactuels peuvent être obtenus à l’aide de notions-modèles qu’on utilise ainsi de manière productive. Par exemple, on imagine un autre milieu didactique par rapport à un contrat didactique donné. On imagine une autre partition topogénétique que celle effectivement advenue en situation, etc.
On peut aussi obtenir de tels contrefactuels directement par l’imagination pratique, à partir de la connaissance qu’on a de l’activité. La première fonction des contrefactuels consiste à mieux comprendre la pratique, en explorant son concret. On saisit ainsi, pour reprendre une expression de Yves Clot, que le réel de l’activité ne se limite pas à l’accomplissement de l’activité réalisée. Celle-ci ne représente qu’un possible dans un univers plus vaste.
La deuxième fonction des contrefactuels vise à proposer des transformations de la pratique. Il s’agit alors d’éprouver directement dans l’activité un contrefactuel donné. On peut aussi tirer parti de l’analyse contrefactuelle pour élucider des relations signifiantes dans la logique pratique, dont on va tirer des conséquences pour l’action.
Le rôle de l’éducation, au sens le plus large du terme, consiste alors à faire entrer dans la culture. Il s’agit de permettre la construction d’un rapport aux formes de la culture qui assure de leur compréhension profonde. Cela signifie s’approprier les styles de pensées qu’elles font vivre, les formes de vie et les jeux de langage qu’elles permettent, les jargons et les modèles d'actions auxquels ces jargons sont entrelacés. Cela signifie tout autant devenir capable d’accomplissement créatif à partir de cette compréhension profonde.
- le fait que le professeur donne à l’élève une responsabilité d’apprendre, et plus précisément d’apprendre quelque chose d’une certaine façon ;
- le fait que l’élève assume cette responsabilité. La dévolution peut donc se concevoir comme la dévolution d’un rapport à un certain travail dans un certain milieu.
Le contrat didactique ne peut être envisagé qu’en relation avec un milieu didactique. En effet, pour travailler le problème, les élèves vont chercher dans leurs connaissances et habitudes ce qui pourrait les aider. On comprend ainsi que les capacités déjà-là du contrat didactique ne prennent leur sens que par rapport au problème que l’élève doit travailler. Ces capacités sont nécessaires mais pas suffisantes pour effectuer ce travail, sinon l’élève n’apprendrait rien de nouveau par rapport à ce qu’il sait déjà. Il y a donc une forme de déséquilibre initial entre le contrat (le déjà-là, qui résulte en grande partie de l’action conjointe antérieure) et le milieu (ce qui est à-connaître, présent dans une structure symbolique spécifique).
L’apprentissage consiste alors à tendre vers une forme d’équilibre, jamais totalement atteinte, entre le contrat didactique et le milieu, processus que l’on nomme équilibration didactique. L’action du professeur se situe alors entre deux pôles au cœur de la dialectique du contrat et du milieu. Il peut d’une part rappeler à l’élève un élément déjà connu du contrat didactique afin de l’aider à orienter sa stratégie. Il peut d’autre part orienter l’élève vers la mise en relation des éléments du problème pour l’aider à s’orienter dans le milieu.
Lorsque le déjà-là du contrat didactique et les transactions entre l’élève et le professeur permettent à ce dernier de travailler profitablement le problème posé dans le milieu et de s’approprier un savoir nouveau, on dira que l’équilibration didactique est suffisante pour cette appropriation.
Réticence et expression caractérisent toute production ou usage de systèmes de signes dans une transaction. On manifeste de la réticence lorsqu’on tait/cache ce que l’on sait. On peut aussi exprimer/montrer ce que l’on sait. Réticence et expression sont à la fois opposées et complémentaires, et indéfectiblement liées comme les deux faces d’une même pièce de monnaie. Tout énoncé réticent peut se décrire dans ce qu’il exprime/montre. Tout énoncé expressif peut se décrire dans ce qu’il cache/tait. La relation didactique est le lieu d’un jeu entre réticence et expression. C’est la dialectique réticence-expression.
La didactique est la science dont les pratiques d’éducation font l’objet. Une pratique d’éducation est fondée sur la transmission d’un savoir. Dans cette acception, l’éducation englobe l’enseignement, l’apprentissage, et l’instruction, au sens courant de ces termes. Éduquer, c’est instruire d’un savoir.
Dans la dynamique de la relation didactique, la réticence et l’expression du professeur sont indexées à l’action conjointe*, décrite dans la relation contrat-milieu. Nous savons en effet que l’action du professeur se situe alors entre deux pôles au cœur de la dialectique du contrat et du milieu. Ainsi, la réticence ou l’expression peuvent porter sur un élément du milieu, ou sur un élément du contrat.
Toute action didactique pourra alors se comprendre dans la manière dont l’action conjointe construit un nouvel arrière-plan, une nouvelle référence. Il s’agira ainsi d’appréhender le passage d’un problème à un problème résolu, dans la dialectique contrat-milieu, et dans la manière dont cette dialectique s’entrelace à la dialectique réticence-expression. La double dialectique contrat-milieu/réticence-expression constitue donc un moyen de décrire la dynamique propre de l’action conjointe.
Lorsque le professeur organise son travail à partir des accomplissements propres des élèves, les productions des élèves sont donc instituées comme origine de ce travail, et, plus généralement, comme origine de l’action conjointe en didactique. Cette pratique est désignée par l’expression générique élève-origine, qu’on peut donc développer par « productions d’élève origines du travail professoral et de l’action didactique conjointe ».
Dans ce glossaire, les mots « élèves » et « professeurs » sont désignés au sens le plus général de « qui apprend » et « qui enseigne » (par exemple, aussi bien une élève de maternelle et sa professeure d’école ; une étudiante et son enseignante universitaire ; une danseuse et sa chorégraphe ; une maître d’apprentissage et son apprentie, etc.)
La conception de l’enquête que développe la TACD s’appuie sur celle de John Dewey, pour qui l’enquête permet de « passer d’une situation indéterminée à un tout unifié », d’un problème à un problème résolu. La notion de mésogénèse (le passage d’un ensemble de formes symboliques éparses à un système de formes symboliques) permet de spécifier la définition deweyenne à l’enquête en TACD.
Dans une situation didactique, l’enquête suppose que l’élève construise un rapport de première main au jeu didactique, agisse de son propre mouvement dans le travail du problème que l’enquête travaille, à partir des indices qu’il prend dans le milieu didactique. Ce travail est fondamentalement collectif. Il suppose que le travail du professeur s’origine dans les productions des élèves au cours de l’enquête.
> Voir aussi élève-origine
Processus par lequel l’action conjointe atteint un certain équilibre entre contrat et milieu, suffisant pour que le savoir visé soit approprié par les élèves (voir contrat didactique, milieu didactique et dialectique contrat-milieu).
Un exemple emblématique peut s’apparenter à une référence commune. Il est partagé dans un même groupe de personnes. Il prend appui sur une action effective, vécue, réalisée, ou rapportée par l’un des membres du groupe. Une telle action est considérée comme remarquable (elle fait « emblème ») pour les membres de ce groupe. L’exemple emblématique peut alors être étudié, compris, et imité de manière plus ou moins créative par les membres du groupe.
Un exemple emblématique peut devenir un exemple exemplaire, selon le sens développé par Thomas Kuhn. En effet, un tel exemple deviendra exemplaire quand il sera reconnu et légitimé par les membres d’un collectif de pensée. Il sera alors utilisé de manière routinière, sans qu’ils ressentent le besoin d’explicitation ni de justification, pour transmettre une connaissance, une pratique, voire une attitude adéquate, qui fera autorité dans la communauté concernée.
La forme scolaire classique de socialisation de l’enfance implique de réunir les élèves du même âge en un même lieu, pour un même temps, et sur un même programme. Deux traits majeurs caractérisent la forme scolaire de socialisation de l’enfance depuis le XVIIe siècle : la discipline à laquelle on soumet les enfants, et une scripturalisation des savoirs ainsi que des pratiques de transmission. Cette forme pose deux problèmes majeurs : elle soumet les élèves à la temporalité des « objets de savoir » qui défilent dans un programme d’étude qui ne les autorise pas à travailler sur des problèmes ; elle ne les considère que du point de vue de leur « vie future ». Reconstruire la forme scolaire d’éducation nécessite de « changer les circonstances existantes », comme le dit John Dewey. Pour Dewey, c’est « la reconstruction permanente de l’expérience qui est la seule fin », et « l’éducation, c’est tirer du présent tout ce qui sert à la croissance ». Reconstruire la forme scolaire, c’est donc promouvoir une socialisation de l’enfance qui n’aliène pas les enfants devenus élèves à l’emprise du défilé des objets de savoir, mais qui se soucie de leur expérience d’enfance. Il s’agit alors de développer une pratique du travail intellectuel et sensible comme rapport de première main aux problèmes, dans un environnement d’institutions didactiques
> Voir aussi Culture, Elève-origine, Enquête
En TACD, une ingénierie coopérative peut se définir comme un collectif de pensée, constitué de professeurs, formateurs, éducateurs, chercheurs, doctorants, etc. qui travaille à l’élaboration conjointe de séquences didactiques, mises en œuvre, évaluées, et mises en œuvre de nouveau à partir de cette évaluation, au sein d’un processus itératif. Plus généralement, elle renvoie à tout collectif qui se donne à lui-même, de façon coopérative, des fins communes pour l’amélioration de la pratique, et qui expérimente conjointement la pertinence de ces fins au sein de dispositifs concrets, dans un processus itératif. On peut par exemple concevoir comme ingénieries coopératives certains dispositifs de formation.
Une ingénierie coopérative, comme action conjointe, revêt une double fonction. Elle doit permettre :
1. de mieux comprendre la pratique, comme toute étude de type anthropologique ;
2. de transformer la pratique en fonction des fins que le collectif de pensée de l’ingénierie s’est données à lui-même.
Dans une ingénierie coopérative, à l’image de ce qui se passe dans toute science de la nature, ces deux fonctions sont consubstantiellement liées : on comprend pour transformer pour comprendre pour transformer, etc. En TACD, on fait l’hypothèse que le développement d’ingénieries coopératives appellera progressivement à l’élaboration d’une nouvelle épistémologie des sciences de la culture, dans une épistémologie de l’ascension de l’abstrait au concret. Ce développement amènera également, toujours selon cette hypothèse, à une redéfinition des professions de professeur et de chercheur en éducation, et plus généralement, à une redéfinition des rapports entre recherche et professions.
La TACD s’appuie sur une notion de l’institution proche de celle de Mary Douglas (en relation avec les conceptions d’Émile Durkheim), qui peut faire voir l’institution comme une machine à construire des catégories de perception, d’appréciation et d’action légitimes. Une institution se caractérise ainsi toujours comme une manière particulière de voir le monde.
En TACD, on dira donc qu’une institution produit un voir-comme (dans le sens de Ludwig Wittgenstein). En tant que collectif de pensée, l’institution se caractérise par un style de pensée, une capacité à la perception dirigée (dans le sens de Ludwik Fleck). Style de pensée et voir-comme sont donc deux notions-modèles très proches dans l’appréhension qu’en propose la TACD. Une autre manière de rapprocher Fleck et Wittgenstein est de considérer qu’un style de pensée pénètre le langage qui l’exprime : langage et pratique sont entrelacés, comme les jeux de langage et les formes de vie dans les conceptions de Wittgenstein. Avec la notion d’institution comme style de pensée, la TACD considère l’éducation comme une entrée dans la culture, et donc comme l’appropriation d’un style de pensée.
Dans cette perspective, on peut construire une notion dynamique de l’institution. On peut voir l’institution comme un état, mais aussi comme un processus (instituer). Les professeurs institutionnalisent, dans l’action didactique, ce qui a (déjà) été institué dans la culture : ils signifient alors aux élèves que ce qui est pratiqué a une portée plus large que la seule solution à un problème local. Cette vision des choses fait comprendre que l’institutionnalisation est un processus continu, qui prend place dans la relation didactique dès son début, et se développe en même temps qu’elle.
Les institutions peuvent être ouvertes : elles ont alors comme fonction première de rendre instituants les institués.
Un jargon est en TACD un système linguistique que l’on peut considérer comme réseau fait de termes, d’expressions, de questions-réponses au sein d’un dialogue spécifique, etc. Un jargon est un jeu de langage situé dans la pratique, dans l’usage, qui lui donne son sens. Ce complexe de pratiques, qui détermine donc le sens des énoncés dans un jargon, constitue un modèle de/dans la culture.
La notion de jeu d’apprentissage permet une modélisation de l’action didactique conjointe élève-professeur. Le terme jeu*, ici, ne doit pas abuser. Comme dans chaque utilisation du mot « jeu » en TACD, il ne s’agit donc ni d’une incitation au ludique, ni d’un modèle au sens d’un modèle à copier. Il s’agit d’un modèle au sens scientifique du terme, c’est-à-dire d’une description pour comprendre ce qui se passe.
La notion de jeu nous permet également de décrire le caractère conjoint de l’action didactique en modélisant l’action de l’élève et l’action du professeur comme participant d’un même jeu. Nous nommons cette modélisation « jeu d’apprentissage » pour rendre compte de l’apprentissage comme enjeu premier de l’action didactique. Ainsi, le déroulement d’une « activité didactique » (formelle ou informelle) peut se modéliser comme une succession de jeux d’apprentissage. En effet, au fur et à mesure de l’avancée d’une séance, il est possible d’observer que l’enjeu d’apprentissage évolue ou que ce qui est demandé à l’élève change. Méthodologiquement, c’est une analyse didactique instrumentée du film d’une « activité didactique », puis l’élaboration d’un système hybride texte-image-son (SHTIS) qui va permettre de la décrire comme une succession de jeux d’apprentissage.
En TACD, nous envisageons l’éducation comme la manière dont la participation à des jeux d’apprentissage permet ou non la production de capacités épistémiques en lien avec des jeux épistémiques. Nous travaillons cette question sous l’angle de la parenté épistémique.
> Voir aussi Jeu, modèle du jeu
Le jeu d’imitation modélise une très grande partie des transactions didactiques dans la culture, dans les mondes des arts pratiques, de la science, de l’art, etc. Il peut aider à comprendre le système des actions conjointes professeur-élèves lorsque celles-ci se nourrissent les unes des autres dans le savoir. Il est courant de penser que :
– 1. la monstration d’une pratique est prioritairement portée par le professeur ;
– 2. les élèves observent et imitent passivement ce qu’ils voient.
Nous envisageons a contrario la monstration dans un système dynamique d’emprunts et d’effets réciproques professeur-élèves. Le professeur n’est pas seul à présenter un modèle, les élèves également fournissent des modèles au professeur. Ils peuvent être une source d’inspiration pour le professeur, dont l’activité prend alors sa source dans l’élève-origine. Ce système forme une trajectoire spiralaire en vue de résoudre le problème posé par la pratique. Imiter, que l’on soit élève ou professeur, c’est être capable de reconnaître chez/ dans l’autre, et dans les formes-représentations qu’il produit, une unité épistémique essentielle (un agir essentiel), autrement dit les prémisses ou l’accomplissement d’une activité savante.
Le jeu d’imitation est le construit théorique avec lequel la TACD explore et spécifie l’expression de Peter Sloterdijk, qui voit la culture comme « l’imitation de l’inimitable ». Dans cette imitation de l’inimitable, l’imitation est fondée sur des formes-représentations (cf. sémioses, représentations) dont celui/celle qui les imite doit comprendre le sens afin que son imitation dépasse la seule réplication, pour atteindre une imitation créatrice.
> Voir aussi Jeu, modèle du jeu
La TACD reprend la notion, développée par Ludwig Wittgenstein, de jeu de langage-forme de vie pour souligner que tout énoncé, tout élément linguistique, pour être compris, doit être référé au système linguistique dans lequel il fonctionne, qu’on peut considérer comme une sorte de jargon fait de termes, d’expressions, de questions-réponses au sein d’un dialogue spécifique, etc. Ce jargon est un jeu de langage. Ce jeu de langage doit être lui-même situé dans la pratique, dans l’usage, qui lui donne son sens. Cette pratique qui détermine le sens des énoncés, c’est la forme de vie.
> Voir aussi institution
La notion de jeu didactique spécifie le modèle générique du jeu anthropologique (cf. Jeu, modèle du jeu) à l’activité didactique. Le jeu didactique montre des particularités essentielles. Par exemple, il s’agit d’un jeu coopératif, qui suppose que professeur et élève agissent d’une certaine manière dans le même sens, pour l’apprentissage de l’élève. Le modèle du jeu permet ainsi de saisir une forme d’étrangeté, certaines fois inquiétante, de la pratique didactique. Celle-ci peut être vue en effet comme un jeu auquel le professeur « gagne » si et seulement si l’élève gagne. Le gain au jeu du professeur est lié crucialement à celui de l’élève.
Les lignes qui précèdent permettent de comprendre un aspect essentiel du modèle du jeu didactique, tel qu’il est utilisé en TACD. Il ne reprend pas à son compte le modèle de l’acteur rationnel tel qu’il a été utilisé, notamment en économie, selon la théorie des jeux. Les activités humaines peuvent se décrire comme des jeux, dans une logique qui est celle de la pratique. L’usage du modèle du jeu, en TACD, tente donc de suivre la mise en garde que Bourdieu avait empruntée à Marx : ne pas confondre « les choses de la logique » (celle du monde académique) et la logique des choses (celle des accomplissements pratiques).
En français, l’adjectif épistémique désigne ce qui est relatif au savoir*. Un jeu épistémique décrit donc un jeu avec des savoirs. Comme pour les notions-modèles de jeu d’apprentissage ou de jeu d’imitation, il ne s’agit pas d’un jeu au sens courant mais d’un modèle.
En TACD, les savoirs sont envisagés comme des productions dans la vie des êtres humains pour répondre aux problèmes qu’ils rencontrent. Cette perspective engage à considérer le sens d’un savoir donné au-delà de ses définitions livresques. À la suite du second Wittgenstein, nous considérons que le sens d’un savoir réside dans les usages où il est mis en œuvre. Nous modélisons ces usages comme des jeux épistémiques. Pour ce faire, nous utilisons le vocabulaire du jeu : enjeu, règles, stratégies, investissement dans le jeu, etc. Un jeu épistémique sert ainsi à décrire une pratique culturelle avec un savoir, dans ses éléments sensibles, éthiques, épistémiques, la plupart du temps entrelacés. Dans cette approche, nous envisageons l’éducation comme la manière dont la participation à des jeux d’apprentissage permet de construire des capacités épistémiques proches de jeux épistémiques. Nous travaillons cette question sous l’angle de la parenté épistémique. Un jeu épistémique est donc la modélisation d’une pratique savante, c’est-à-dire celle d’un connaisseur pratique, qui pratique un art de faire. La TACD soutient à la fois qu’une telle modélisation peut et doit se faire sans référence à une pratique didactique, et que toute étude d’une pratique didactique doit pouvoir intégrer la référence à cette modélisation de la pratique du connaisseur pratique comme jeu épistémique.
> Voir aussi Jeu, modèle du jeu
La TACD met au principe et au cœur de son système analytique le modèle du jeu. Comme certains auteurs majeurs dans la philosophie et dans les sciences de la culture (Wittgenstein, Hintikka, Elias, Goffman, Bourdieu, Bazin, et d’autres), elle considère la notion de jeu et la sémantique qu’elle promeut comme « la moins mauvaise pour décrire le monde social », ainsi que l’affirmait Pierre Bourdieu.
La notion-modèle de jeu est donc utilisée pour modéliser l’action, dans la même idée que la question « à quoi joues-tu ? » est adressée à quelqu’un dont on ne comprend pas le comportement. Utiliser le jeu pour modéliser l’action permet d’utiliser sa sémantique, c’est-à-dire le vocabulaire associé : enjeu, règle, stratégie, hors-jeu, investissement dans le jeu, se prendre ou non au jeu, etc.
En TACD, la notion de règle se spécifie de la manière suivante.
- Les règles définitoires explicitent comment jouer au jeu (elles s’apparentent aux « règles du jeu » d’un sport ou d’un jeu de société).
- Les règles stratégiques explicitent comment bien jouer au jeu (elles peuvent par exemple être transmises par un connaisseur pratique du jeu à un moins connaisseur). Elles ne doivent pas être confondues avec les stratégies effectives du joueur, qui constituent, pour ce joueur, la manière concrète d’agir dans le jeu en révélant (plus ou moins) un certain sens du jeu.
Comme le montrent ses usages divers par les auteurs cités ci-dessus, la modélisation en termes de jeu est générique. Avant même de jeu didactique, on peut donc parler de jeu social, ou de jeu anthropologique, en nommant ainsi les descriptions de l’activité humaine vue sous le modèle du jeu, qui donnent à voir et à comprendre la grammaire de cette activité, sa logique pratique.
Notion proposée par Yves Chevallard, et reconceptualisée en TACD dans le triplet des genèses. La mésogénèse (genèse du milieu) caractérise le passage d’un ensemble de signes épars dans une situation indéterminée à un système de formes symboliques qui constitue un tout unifié. Lorsque l’élève doit résoudre un problème, au sein du jeu didactique, il constitue peu à peu des relations entre certaines des formes symboliques qu’il perçoit dans le travail du problème (mots, expressions, éléments graphiques, significations, etc.). L’avancée dans le problème est caractérisée par une avancée dans la mésogénèse, lorsque l’élève met en relation des formes éparses et leur donne un sens adéquat au savoir en jeu. Décrire le processus de mésogénèse, c’est souvent décrire l’enquête au sein de l’action conjointe, dans la double dialectique contrat-milieu/réticence expression.
> Voir aussi Triplet des genèsesAu sein du jeu didactique, le milieu est-ce avec quoi il y a à faire pour avancer dans la résolution d’un problème. Le milieu désigne ainsi la structure symbolique du problème que l’élève doit travailler. Le savoir se présente au départ sous la forme d’un ensemble de signes épars qui ne font pas sens, en général, pour l’élève : le milieu pose problème. En d’autres termes, il y a résistance du milieu. Sur la base du déjà-là du contrat didactique et dans ses transactions avec le professeur, l’élève travaille ces signes épars et les organise progressive- ment en un système cohérent de significations, sensibles et épistémiques, qui constituent le savoir nouveau à apprendre.
C’est le processus de mésogénèse, qui caractérise le passage d’un ensemble de signes épars dans une situation indéterminée à un système de formes symboliques qui constitue un tout unifié, ainsi que l’exprimait John Dewey. Pour avancer dans le travail du problème, l’élève devra donc établir des relations signifiantes entre ces formes symboliques pour en comprendre le système.
Un milieu peut se caractériser par son adidacticité, c’est-à-dire par la manière dont l’élève va devoir/pouvoir s’appuyer prioritairement sur les éléments symboliques qui constituent le milieu, pour appréhender, sur la base de ces seuls éléments, les relations qui déterminent la structure symbolique du milieu. La construction d’un milieu suffisamment adidactique, quel que soit le domaine de savoir, constitue un enjeu majeur de toute entreprise d’ingénierie didactique, et, au-delà, du travail professoral.
La notion de milieu, en TACD, se généralise. Par exemple, on peut considérer le travail sensible, sur les affects et les sensations, dans les arts, dans les pratiques « corporelles», et dans l’activité humaine en général, comme un travail sur le soi. Dans ce travail sur le soi, la « conscience » se fait « geste », « mouvement », « sensation », « affect», et réciproquement. Le soi dont on parle alors fait considérer soi-même comme un autre. Il constitue un milieu, dans lequel on doit enquêter comme tout autre milieu. On parlera alors de milieu-soi.
> Voir aussi Dialectique contrat-milieu
Un jeu d’apprentissage est, par nature, différent d’un jeu épisté-mique. Mais les deux jeux sont-ils totalement étrangers l’un à l’autre ?
L’idée de parenté épistémique consiste à déterminer ce que l’on peut retrouver en acte d’un jeu épistémique dans un jeu d’apprentissage. Par exemple, chez l’être humain, la nage est un savoir, c’est-à-dire une pratique savante, avec ses connaisseurs pratiques. Il est possible de décrire la nage comme un jeu épistémique. Le jeu épistémique de la nage a pour enjeu de progresser dans un environnement aquatique, d’abord en évitant la noyade, ensuite en se déplaçant au mieux. Il est possible d’énoncer des règles et stratégies de ce jeu épistémique : flotter, contrôler sa respiration, coordonner l’action de ses membres pour avancer, ne pas avoir peur de nager sous l’eau, etc. Le jeu épistémique qu’on va ainsi produire va décrire le savoir du connaisseur pratique de la nage, il va le modéliser.
La TACD peut alors s’intéresser à la manière dont le débutant va construire les capacités épistémiques qui correspondent à ce modèle. Dans une première approche, il semble tout autant déraisonnable de mettre le débutant directement dans la situation du connaisseur pratique (le faire évoluer dans le grand bain) ou, à l’inverse, dans une situation décontextualisée et déconnectée de celle de ce connaisseur (voir l’exemple historique de la nage sur un tabouret). Les jeux d’apprentissage de la nage (immersion et locomotion progressive, recherche de la flottaison, ramassage d’objets lestés, etc.) ne sont donc ni totalement identiques au jeu épistémique du connaisseur, ni totalement différents. Nous dirons que les jeux d’apprentissage doivent entretenir une parenté épistémique avec le jeu épistémique du nageur, c’est-à-dire que des éléments du jeu épistémique du nageur, des capacités épistémiques qui le constituent, se retrouvent en actes dans ces jeux d’apprentissage. L’étude d’une pratique didactique suppose donc l’étude de la parenté épistémique construite, ou non, entre l’activité didactique et celle du connaisseur pratique. La notion de jeu épistémique est un instrument essentiel de cette étude en TACD.
Une praxéologie peut être vue comme un art de faire, qui suppose à la fois d’expliciter certains éléments d’un problème, et mettre en œuvre un système de stratégies se matérialisant dans l’action pour répondre à ce problème. Cet art de faire est un complexe de pratiques qui s’agrège à un discours tout autant que ce discours s’agrège à ce complexe de pratiques. Ce discours vise à expliciter certains éléments de ce complexe (et dans certains cas à le décrire, le commenter, le justifier), dans le but d’adapter ce complexe au problème posé. Ce discours s’inscrit nécessairement, pour la personne qui le tient, dans un arrière-plan, même si le tenant du discours n’en est pas (ou plus) forcément conscient. Le tout de ce discours forme le logos lié à la pratique (d’où le terme praxéologie, praxis et logos). Autrement dit, une praxéologie peut être vue comme unjeu de langage et une forme de vie (selon les notions développées par Ludwig Wittgenstein). Elle a une finalité anthropologique : répondre à un problème se posant à un individu dont l’appartenance à une institution, porteuse de cet art de faire, est une des conditions nécessaires de sa mise en œuvre. La notion de praxéologie permet donc de considérer les questionnements et les problèmes des collectifs de pensée et des institutions, les réponses et les problématisations qu’ils leur apportent, comme des œuvres de la culture.
> Voir aussi SavoirDans ce glossaire, les mots « professeur » et « élève » sont désignés au sens le plus général de « qui enseigne » et « qui apprend » (par exemple, aussi bien une professeure d’école et son élève de maternelle ; une enseignante universitaire et son étudiante ; une chorégraphe et sa danseuse ; une apprentie et sa maîtresse d’apprentissage, etc.).
La proxémique, notion forgée par Edward Hall, permet de rendre compte de l’ensemble des comportements que manifestent les êtres humains dans la gestion de leurs distances interpersonnelles, et plus largement dans la gestion de l’organisation spatiale, entre eux et avec les objets auxquels ils accordent leur attention.
L’action conjointe in situ peut toujours être conçue comme un dialogue sémiotique, au sein duquel les participants échangent des signes (cf. sémiose). Une partie de cet échange est verbale. Une autre partie, entrelacée à la première, tient à la manière dont les participants à l’action conjointe se signifient mutuellement des éléments de cette action au moyen de regards, de gestes, de mouvements, de comportements d’organisation de l’espace, et de toute production incluant un agencement des précédentes.
La notion de proxémique a été spécifiée en TACD dans un modèle subjectif de la distance, qui accorde une importance particulière à l’orientation du regard. L’ensemble de ces comportements est parfois appelé « proxémie », et on parlera alors de la proxémie du professeur, ou de la proxémie dans une situation didactique. La proxémie est ainsi un outil privilégié pour une gestion distribuée de l’attention conjointe, et son analyse est nécessaire dans la plupart des cas à la compréhension de l’action conjointe. L’hypothèse sous-jacente est la suivante : ce qui est rendu proche (de/par l’élève, du/par le professeur), est plus important que ce qui est lointain.
La TACD s’efforce d’intégrer à la description de l’action didactique, en particulier par le moyen de films d’étude et de systèmes hybrides texte-image-son (SHTIS) de tels éléments proxémiques, reconceptualisant en la spécifiant la perspective ouverte par E.T. Hall.
En TACD, la notion de reconnaissance didactique renvoie à l’attention portée par le professeur à l’élève, à l’attention de l’élève, et à l’arrière-plan sur lequel cette attention de l’élève prend son sens. Cette attention peut ainsi devenir une attention à l’élève dans sa réalité d’enfant, à sa personne. La reconnaissance didactique constitue une exigence éthique essentielle de la relation didactique.
La TACD accorde une place majeure aux représentations symboliques. Elle détermine un jeu représentationnel qu’on peut décrire à travers les éléments suivants : le représentant, le représenté, le représenteur (qui représente ?), le destinataire (pour qui ?), le système de représentation, c’est-à-dire la grammaire de la représentation telle qu’elle s’institue dans un voir-comme, un style de pensée. L’une des fonctions essentielles du jeu représentationnel consiste, comme l’a montré Guy Brousseau, à pouvoir accomplir, avec le représentant et l’univers auquel il appartient, des actions impossibles ou difficiles à accomplir avec le représenté dans son univers, pour ainsi profiter du voir-comme apporté par la représentation. Ainsi, par exemple, la danseuse qui voit/ressent/perçoit son mouvement de bras (représenté) comme un geste qui consiste à atteindre un objet placé hors de portée (représentant) profite de ce voir-comme dans l’effectuation de son geste dansé.
La TACD accordant une place essentielle au jeu d’imitation, les formes-représentations, qui constituent la matière même de ce qui est imité, jouent un rôle crucial pour l’entrée dans la culture.
La TACD envisage le savoir dans une acception très large et dans une perspective actionnelle. Le savoir est vu comme ce qui rend capable d’agir en situation. Le savoir confère donc une puissance d’agir. Cette définition ne pose aucun critère de normativité a priori. On pourra dire alors réciproquement que toute puissance d’agir est un savoir. Ainsi, on sait soustraire 17 à 54 si on sait calculer mentalement cette différence, ou bien approcher la valeur par additions successives ou bien poser le calcul. Si elle n’est pas normative a priori, une telle conception permet en revanche de décrire les éléments qui hiérarchisent ces capacités, selon le projet qu’on se donne en soustrayant 17 à 54 dans une certaine situation, au sein d’une certaine institution.
Un aspect fondamental est le suivant : une telle conception du savoir intègre fondamentalement la possibilité de langage pour parler la pratique, parler de la pratique, donner ou demander des raisons. Tout savoir est donc une praxéologie, au sens le plus général de ce terme : un complexe de pratiques (praxis) et de langage (logos). Ces praxéologies peuvent devenir des formes de la culture, des arts de faire, accomplis par des connaisseurs pratiques. Cette conception du savoir étant précisée, la distinction connaissance/savoir peut constituer un second temps nécessaire de l’analyse didactique en TACD. Les deux termes sont alors définis dans leur fonction didactique (et non seulement psychologique) : un même énoncé en classe peut être connaissance ou savoir selon les circonstances : « connaissances » comme moyens plus ou moins efficaces de travailler un problème, souvent proches de « savoir-comment » ; « savoirs » comme connaissances partagées et reconnues comme références par l’institution, souvent proches de « savoir-que ».
L’œuvre d’Herbert George Mead constitue une des sources de la TACD. Ce dernier considère que toute action est un acte social au cours duquel les conduites d’un participant servent de stimuli à ses partenaires et réciproquement. Agir, c’est donc reconnaître l’action des autres, pour ajuster son action à celles des autres. Concevoir l’action didactique comme une action conjointe*, c’est donc considérer que les comportements du professeur sont la source des comportements des élèves mais également que les comportements des élèves fournissent au professeur des indicateurs précieux quant à leur rapport au savoir.
Dans la TACD, le processus de production et de déchiffrement réciproque des signes produits par le professeur et les élèves au cours de l’action didactique est décrit grâce à la notion de sémiose réciproque. Les indices sémiotiques produits par le professeur peuvent être en lien avec le contrat (sémiose du contrat) ou avec le milieu lui-même pourvoyeur de signes (sémiose du milieu). Le processus de déchiffrement de ces indices orientés soit vers le contrat, soit vers le milieu constitue ce qui est nommé, au sein de la TACD, la double sémiose. Les signes produits par le professeur sont généralement intentionnels. Ils ont pour but de guider l’élève au sein de l’action didactique. Quant aux signes qui émanent du milieu, ils sont la plupart du temps non intentionnels. La nature exacte des signes du milieu dépend de la nature du milieu lui-même, et, en particulier, de son adidacticité. Au sein du jeu d’imitation, les sémioses portent en particulier sur des formes-représentations. Le processus de sémiose renvoie in fine, à la fois sur les plans éthiques, sensibles, et épistémiques, à la reconnaissance de l’action d’autrui, de son attention, et de l’arrière-plan sur lequel cette action prend son sens. Il renvoie donc à la reconnaissance didactique.
Un SHTIS est une forme-représentation multimodale et hypertextuelle, qui donne à voir et à comprendre une pratique. La forme la plus générale d’un SHTIS s’établit autour d’un film d’étude de cette pratique. Ce film fait l’objet d’annotations mises en système. Parmi ces annotations figurent des commentaires (qui peuvent venir des participants à cette pratique, ou d’analystes externes de cette pratique), des récits, des systèmes graphiques d’identification de tel ou tel élément saillant dans la pratique, des systèmes de jeu d’échelle qui situent la pratique étudiée dans un ensemble ou qui montrent sa dynamique temporelle interne, etc. Chaque annotation peut être a priori mise en relation avec n’importe quelle autre. Le STHIS s’organise précisément autour de ces annotations réciproques entre ses différents éléments.
Le SHTIS est donc à la fois un outil de description (le réel est « parlé » avec des éléments digitaux tels par exemple des mots et expression) et un outil de dépiction (le réel est « donné à voir » avec des éléments analogiques comme les images filmiques).
La fonction du STHIS est d’abord une fonction d’exemplification.
Il constitue potentiellement un exemple emblématique pour les collectifs qui l’utilisent. Dans cette perspective, il constitue donc d’abord un augmentateur de description, en produisant un feuilletage de descriptions de la même action, descriptions produites de différentes manières. Au sein d’un collectif, par exemple dans une ingénierie coopérative*, il constitue également un augmentateur de dialogue entre les membres du collectif, auquel il fournit une référence* commune, un arrière-plan* construits dans l’action conjointe*, qui peut évoluer au fur et à mesure de cette action.
La fonction d’exemplification du SHTIS renvoie à une deuxième fonction cruciale, celle de garantie (de preuve). La TACD soutient que le SHTIS, en proposant une pluralité organisée de descriptions (selon l’expression de Vincent Descombes), joue un rôle de garantie des assertions produites dans l’analyse théorique et dans l’élaboration de preuves, d’évidences.
Notion proposée par Yves Chevallard et reconceptualisée en TACD dans le triplet des genèses. La topogénèse (genèse des lieux du savoir) est un élément de description des transactions. Une description de la topogénèse prend en compte la place ou les responsabilités qu’occupent les différents acteurs dans leur enquête à propos d’un objet de savoir. Par exemple, la position topogénétique du professeur est haute par rapport à celle de ses élèves quand il pose une question ou quand il indique un élément important contribuant à la résolution d’un problème. Une partition topogénétique est ainsi déterminée. Mais tout aussi bien, la position topogénétique d’un élève peut être haute quand il propose un exemple ou une manière de procéder. Une position topogénétique haute ou basse n’est pas relative au fait que l’élève « parle » ou « agisse ». Elle renvoie à la densité de savoir, à la densité épistémique de ses actes.
Voir aussi Triplet des genèses
Tout au long de la séance, pour que l’élève apprenne, le professeur va agir en fonction de ce que fait l’élève. De son côté, l’élève va agir en fonction de ce que fait le professeur. Le préfixe trans – (à travers) – indique que toute action didactique du professeur se comprend nécessairement à travers celle de l’élève et d’un savoir en jeu et, réciproque- ment, que toute action didactique de l’élève se comprend également à travers l’action du professeur et d’un savoir en jeu. On pourrait même ajouter que tout savoir en jeu ne peut s’appréhender qu’à travers sa réalisation concrète dans l’action du professeur et de l’élève. C’est ce que disent et font le professeur et les élèves qui permettent de décrire le savoir enseigné. Nous pourrons également écrire que professeur et élève sont deux transactants relativement à un savoir.
> Voir aussi Action conjointeEn TACD, le triplet des genèses réfère à trois descripteurs de l’action didactique (chronogénèse, topogénèse, chronogénèse) dont le système permet de décrire dans certains cas la dynamique du jeu didactique, et au cœur de ce jeu, la genèse des savoirs. L’usage isolé de l’un de ces descripteurs peut se comprendre – en particulier dans le cas de la mésogénèse lorsqu’on explicite une dialectique contrat-milieu – mais c’est souvent l’usage systémique de ces trois notions-modèles, en lien avec la double dialectique contrat-milieu/réticence-expression, qui leur donne le plus de force.
La notion de voir-comme, proposée par Ludwig Wittgenstein, est retravaillée en TACD pour signifier qu’une manière de penser ou d’agir dans le réel suppose toujours une manière de voir ce réel, et plus généralement, une manière de le percevoir étroitement entrelacée à un style de pensée. La métaphore de la vision gagne ainsi à être élargie : un voir-comme peut être aussi bien un « entendre comme », qu’un « sentir comme », qu’un « ressentir comme », etc. Penser en termes de voir-comme est étroitement solidaire d’une conception qui accorde au processus de représentation une importance cruciale pour l’entrée dans la culture.
> Voir aussi Dialectique contrat-milieu, Représentation, Sémioses
4 commentaires
Fabrice Louis
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Il y a une coquille dans le glossaire:2 fois chronogenèse au lieu de mésogenèse.
Fabrice
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